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Cocteau, Jean

Les enfants terribles

samedi 23 mai 2015, par webmestre

Éditions Bernard Grasset, 1925 : Le livre de poche, Paris, 1966, 178 p.

Il y a du piquant dans l’écriture, continuellement. À en perdre le sens. Le petit roman de Cocteau, que j’avais lu jeune, me laisse aujourd’hui en grand froid. L’auteur y apparaît constamment à l’affût de l’effet. Il semble, après quelques pages, que rien ne nous retient plus, hélas, considérant la façon incessante dont l’auteur s’emploie à rechercher l’image plaisante. Cette façon de faire laisse souvent le lecteur en plan, qui s’efforce de comprendre le sens des lignes. À notre époque, on en a vu d’autres, et le maître semble bien dépassé par tous ces auteurs contemporains qui inlassablement nous proposent de nouvelles expériences littéraires et de nouvelles façons d’écrire.

Rendons bien à Cocteau ce qui lui appartient : ce livre nous offre la description d’un amour-haine inconditionnel entre frère et sœur. Et à dire vrai, les quatre premières pages sont sublimes.

p. 74

Dans le monde singulier des enfants, on pouvait faire la planche et aller vite. Semblable à celle de l’opium, la lenteur y devenait aussi périlleuse qu’un record de vitesse.

p. 91

La richesse est une aptitude, la pauvreté de même. Un pauvre qui vient riche étalera une pauvreté luxueuse.

p. 118

Est-il presque besoin de l’écrire ? Sur la route, entre Cannes et Nice, Michaël se tua.
Sa voiture était basse. Une longue écharpe qui lui enveloppait le cou et flottait, s’enroula autour du moyeu. Elle l’étrangla, le décapita furieusement, pendant que la voiture dérapait, se broyait, se cabrait contre un arbre et devenait une ruine de silence avec une seule roue qui tournait de moins en moins vite en l’air comme une roue de loterie.

Isadora Duncan est morte ainsi le 14 septembre 1927, à Nice. Dans son roman, dont il a terminé l’écriture et qu’il a publié en 1929, Cocteau reprend ici le fil de l’actualité et rend une sorte d’hommage à Duncan. Lors de ses séjours en Europe, Isadora Duncan ne manquait pas d’admirer les nombreux ballets que Diaghilev offrait alors au public parisien, pour qui « l’audacieux abandon de corps superbes réagissant à une musique nouvelle furent une révélation. » [1] Or, on connaît par ailleurs les jeux de coulisse effrénés joués par Cocteau pour être admis dans le cercle créatif de Diaghilev.


[1Arthur Gold et Robert Fizdale, Misia, Gallimard, p. 174