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Parker, T. Jefferson

La mue du serpent

mardi 4 mai 2021, par webmestre

Paris : Presses de la Cité, 1999, 494 p.
(Where Serpents Lie, traduction de Dominique Wattwiller, New York : Hyperion, 1998)

L’auteur a manifestement mené plusieurs recherches, assez expertes, sur le type de criminalité qu’il explore. Ce type de criminalité, malheureusement trop courant, se conjugue ici avec l’univers déconcertant des serpents, leurs espèces et leurs comportements. L’ensemble est assez fascinant. Le directeur de la Brigade des crimes contre les mineurs du Département du shérif du comté d’Orange en Californie lutte lui-même contre ses désirs, ses attentes et regrets personnels.

p. 20

Lauren avait le regard résigné et cet air d’invincibilité passive communs à presque tous les enfants qui ont réussi à se réfugier dans le dernier endroit susceptible de les accueillir : la grotte silencieuse de leur moi.

p. 96-97

Jadis, le comté d’Orange était un endroit rural où l’agriculture tenait une grande place, mais c’est devenu un enchevêtrement inextricable de banlieues qui, même aujourd’hui, sans qu’on sache pourquoi, continue d’être un lieu où tout le monde veut habiter. La circulation y et aussi infernale que dans le comté de Los Angeles, notre voisin du nord, et l’air tout aussi pollué. Le taux de criminalité y est élevé. L’immobilier est cher, même s’il a un peu baissé. LEs promoteurs e les hommes politiques essaient de caser dans le sud dur comté, qui a pourtant voté contre, un nouveau aéroport international — le cinquième des États-Unis par la taille. Tout ça pour permettre à une poignée de gros malins de ramasser un tas de fric. Car il existe déjà un aéroport parfaitement suffisant, qui vient de s’ouvrir à huit kilomètres de là.

p. 123

Ce qui est dur quand on travaille sur les crimes contre les enfants et particulièrement les crimes sexuels, c’est qu’il est difficile de faire de l’humour noir. Y’a pas grand-chose à dire quand on est devant la photo d’une gamine de neuf ans qui est en train de se faire pénétrer par un adulte. Y’a rien d’humoristique là-dedans. Seulement des dégâts, de la morbidité, encore des dégâts. Et pas de mots pour évacuer la sensation de nausée qu’on peut éprouver à la vue de ce spectacle. On prend tout en pleine poire, comme on prendrait un coup de poing si on avait les bras liés dans le dos. On a beau essayer, quand on regarde ce genre de photos, automatiquement on fait partie du truc. On devient moitié conspirateur et moitié victime. Cela vous souille l’âme. Et si tel n’est pas le cas, ça veut dire que vous êtes mal barré.

p. 200

Mais l’imagination est un pâle substitut à la chair palpitante, au sang qui coule dans les veines, au son d’une voix, au plaisir du toucher. Enfin, on fait ce qu’on peut.

p. 270

Un flic inculpé de relations contre nature avec des enfants subit le même traitement. Mais on le boucle en solo dans une cellule au lieu de le mettre avec d’autres gars, parce que les détenus ont tendance à faire la peau à ce genre de mecs. La détention en cellule individuelle est réservée aux pédophiles, aux individus accusés de crimes particulièrement hideux, aux flics et aux célébrités. J’avais l’impression d’appartenir aux trois premières catégories, et de grandes chances de faire bientôt partie de la quatrième

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p. 439

— Vous savez, c’est dur d’être détendue quand on parle à un flic...
— Ma copine dit la même chose.