Eugène, un garçon pas trop timide qui obtient généralement ce qu’il souhaite, se révèle rongé par le doute et la tentation peu après son mariage. Ne nous y trompons pas, il aime son épouse, mais en revoyant une femme — avec laquelle il tenait une ralation assez soutenue avant le mariage —, il devient rapidement en proie à la tentation. Cette femme se révèle d’ailleurs bien différente de son épouse, du moins physiquement. Et c’est peut-être là une faiblesse du récit de Tolstoï, ou sa force, alors que tant le héros que le lecteur ne connaissent absolument rien de cette étrangère. Bien que nourri de détails des conditions de la vie quotidienne, le récit prend forme à partir de ce désir qui progressivement envahit tout l’espace. Tout repose sur une attirance physique non assumée et qui ronge le personnage de l’intérieur.
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Telle elle était au physique ; quant au moral, il ne savait rien d’elle, il ne voyait que ces yeux. Et ces yeux lui disaient, semblait-il, tout ce qu’il devait savoir. Ce que signifiaient ces yeux c’était ceci :
Encore au pensionnat, dès l’âge de quinze ans, Lise était sans cesse amoureuse de tous les hommes attrayants, et elle n’était heureuse et animée que lorsqu’elle était amoureuse. Sortie de l’école, elle s’amourachait de même de tous les jeunes gens qu’elle rencontrait, et, bien entendu, aussitôt qu’elle fit la connaissance d’Eugène elle en tomba amoureuse. C’était précisément le fait d’être amoureuse qui donnait à ses yeux cette expression particulière qui charmait tant Eugène.
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Comme si elle n’avait d’autre but que de converser, Marie Pavlovna raconta qu’il ne naissait presque exclusivement que des garçons cette année et que c’était signe de guerre.
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Tout était si beau, joyeux et pur dans la maison ; mais dans son âme tout était laid, sale, horrible. Et toute la soirée il fut tourmenté de savoir qu’en dépit du dégoût sincère qu’il éprouvait pour sa faiblesse, en dépit de ses plus fermes résolutions de rompre, demain serait semblable à aujourd’hui.