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Mars, Frédéric

Non stop

vendredi 11 juillet 2014, par webmestre

Hachette Livre (collection Black Moon) : Paris, 2011, 672 p.

Ce n’est pas pour ses qualités littéraires que l’on appréciera à premier titre ce livre. L’essentiel de son intérêt réside dans le déroulement des choses, le suivi méticuleux de l’enquête. Une enquête qui est doublée d’un thriller soutenu et qui repose sur un environnement de crise, elle-même liée au terrorisme international en territoire états-uniens. Des événements dont la durée est d’environ 24 heures.

L’auteur introduit avec habilité quelques questions pertinentes sur le contexte politique international, et plus particulièrement sur la dégradation des relations entre le Moyen-Orient et les États-unis d’Amérique. Il se trame, sur un fond de montée de l’intégrisme musulman et de la croissance directement proportionnelle du risque terroriste, un portrait assez sombre de l’étendue de la menace terroriste.

p. 39

Le ballet des voyageurs dessinait des courbes hypnotiques. Cela demandait un vrai effort de concentration pour ne pas se laisser bercer par leur houle continue, qui se brisait en bordure de quai comme sur une page de sable noir. Toutes les deux minutes environ, toutes les trente secondes par la magie de l’accéléré, une nouvelle rame entrait et déversait sa vague de passagers, aussitôt envahie par une quantité au moins équivalente. Ce qui frappait, dans ces déplacements saccadés, c’est à quel point chacun semblait soucieux de ne pas perdre de temps, d’aller le plus efficacement possible d’un point A à un point B. Aucune place à la flânerie, à la balade, au rêve... Tous tendus vers une objectif unique : le travail qui les attendait.

p. 400

— Pour survivre dans un Moyen-Orient dominé par les chiites et sponsorisé par Téhéran, Israël n’a plus d’autre choix que de vous forcer la main. Et évidemment, sans que vous [p. 401] sachiez jamais qui vous a réellement précipités dans le conflit à venir.
Grer n’en revenait pas :
— Tout ça aurait pour but de nous pousser à la guerre contre l’Iran ?
— Pas forcément de manière aussi frontale. Israël ne cherce pas à anéantir l’Iran par votre intermédiaire. Ils savent que vous n’en avez pas plus les moyens qu’eux. Vous ne pourriez pas supporter le coût humain et financier d’un tel choc. Pas après l’Afghanistan et l’Irak.
— Alors, qu’est-ce que veulent au juste les Israéliens, selon vous ?
— Contenir l’influence de l’Iran, en vous obligeant à reprendre ce rôle de gendarme du golfe Persique que vous lui avez laissé. [...]
[p. 402] Il s’engagea alors dans une litanie impressionnante des méthodes employées par le contre-espionnage israélien, exemples à l’appui. Il mentionna notamment ces fausses bombes humaines pilotées par le Mossad et dirigées contre des cibles civiles juives à Jérusalem, au plus fort de la seconde Intifada, pour accabler le Hamas et justifier la politique sécuritaire du gouvernement Sharon.

p. 533

— Je suis désolé, Monsieur Pollack...
Cette phrase-là, convenue, attendue, combien de fois par jour la prononçait-il ? Par heure ? Il n’y avait que le nom à la fin qui changeait. « Monsieur Truc, madame Bildule, mademoiselle Chose... Vraiment désolé... » Se pouvait-il qu’il ressente encore quoi que ce soit en la disant ? Ou la proférait-il sans y penser, comme on lance un bonjour ou un au revoir ? Était-ce la condition de sa propre survie : surtout ne pas mettre trop de lui dans ces mots-là ? Compassion en pilote auto, sentiments gérés par le régulateur de vitesse, aucun emballement de son cœur à lui. Pas ému, pas pris.

p. 657

Avec douceur, il se faufila à travers la forêt de fils et de tuyaux, et vint poser son nez au creux du cou délicat. Il aimait tellement son odeur. Il souffrait tant de ne plus pouvoir renifler son bébé à loisir. Parce que cela ne se faisait pas. Parce qu’elle n’avait plus l’âge. Parce que en temps normal elle l’aurait déjà envoyé promener.

Pourtant, il aurait pu rester là une vie entière, à se gonfler les poumons de son parfum, à y puiser son utlime oxygène, sans jamais avoir besoin d’autre chose.

Non-stop.



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