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O’Nan, Stewart

Derniers feux sur Sunset (Fitzgerald à Hollywood)

lundi 28 mai 2018, par webmestre

Paris : Éditions de l’Olivier [West of Sunset : Viking, 2015, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Amfreville], 2016, 392 p.

Étrange livre en réalité : la biographie abonde de détails parfois futiles et approximatifs : « La serveuse s’approcha de Benchley, lequel, sans consulter le menu, commanda un bar meunière avec de la purée de pommes de terre et du maïs, ainsi qu’un tapioca. Scott se contenta de son sandwich, qu’il trouva sec [...]. » (p. 43-44). Qu’en est-il en réalité ? Est-ce que Fitzgerald, un jour dans une cafétéria de Hollywood, trouva sec un sandwich jambon qu’il mangea en compagnie de Bob Benchley ? Ce dernier prit-il vraiment du tapioca ? ... D’emblée, on comprendra que ce genre d’ajouts range l’ouvrage du côté des biographies romancées. Ce que l’on acceptera volontiers lorsque l’écriture est correcte. C’est heureusement le cas ici, alors que les personnages prennent forme graduellement, devenant habités et s’incarnant dans un milieu aux décors et aux caractéristiques bien rendus. La biographie romancée n’étouffe, ni n’évince le contenu biographique : elle l’enveloppe d’une couche atmosphérique, laquelle contribue à nous faire découvrir un Fitzgerald bien implanté dans son environnement.

Au déclin de sa carrière, alors que Fitzgerald doit s’adapter aux divers univers qui pèsent sur sa vie — argent, travail, santé, amours, responsabilités familiales (Zelda et Frances) — l’étude de O’Nan intègre harmonieusement toutes les composantes, offrant une chronique marquante et mélancolique, à la mesure de la vie de Fitzgerald, alors que ce dernier, à la croisée des chemins, contemple un passé insouciant et un avenir incertain.

p. 76

Pourquoi s’étonnait-il toujours que les autres puissent être désespérés ?
[...]
— Tu n’as jamais su résister à un joli minois. À commencer par le tien.
— Ne sois pas jalouse.

p. 212-213

Ces activités secrètes ne l’avaient finalement mené nulle part, il les avait abandonnées mystérieusement en route, tout comme son roman policier inspiré par Sherlock Holmes, et remplacées par sa nouvelle obsession. À Princeton, alors qu’il était censé bûcher pour ses examens, il écrivit une comédie musicale. À l’armée, un roman. Rien n’avait changé. Il était toujours ce garçon, au comble du bonheur quand il poursuivait une de ses propres chimères, perdu quand aucune ne le hantait.

p. 284

Au contraire d’Anita Loos, il n’avait jamais accédé à des salaires mirifiques. Il avait travaillé pour tout le monde de Goldwyn à Hal Roach, bondissant d’un studio à l’autre, saisissant tous les contrats qu’il pouvait décrocher.

« Ils se rendent pas compte, figure-toi. Tu sais dans combien de génériques mon nom est cité ? Cent quarante-six. Huxley, tu sais combien de fois ? Une seule. Ils le payent trois mille dollars par semaine, et moi, ils veulent me virer. »

Scott, qui n’en gagnait que mille deux cent cinquante, ne lui rappela pas que Orgueil et Préjugés venait de remporter l’oscar. « Est-ce que tu as été cité au générique de La Vie de Louis Pasteur ?
— Des salopards l’ont été à ma place. Je leur ai offert les bases du scénar sur un plateau et ils l’ont refilé au beau-frère de Goldwyn. On nous bassine avec les syndicats, mais au bout du compte, le cinéma est une affaire de famille.

p. 302

Tous ces robustes jéroboams, balthazars et autres nabuchodonosors rangés par taille entre les tables, témoins d’une abondance inépuisable.

p. 360

Son vrai nom était Goldfish, il avait inventé le « wyn ». Il appartenait à la génération d’avant Thalberg, des hommes d’argent aussi impitoyables que des gangsters. Scott voulait le remercier de lui avoir accordé cette chance, mais il n’en eut jamais l’occasion. Le quatrième jour du tournage, sous les yeux de Scott, Goldwyn et le réalisateur s’engagèrent dans un échange d’invectives et de cris qui se termina par le départ du second. Le lendemain matin, sans explication, Scott fut mis à pied.