L’autrice adopte un ton et un ensemble de points de vue qui imprègnent l’ensemble du roman de bien-être et de satisfaction. Il transparaît une sorte de gourmandise, ou d’appétence, pour la vie. Le déroulement du roman se colle aux perceptions du personnage principal, Joséphine, d’abord par des souvenirs qui sont d’ordre personnel, puis par le développement d’un quotidien sensuel par la suite, où surviennent des gestes, des événements, des rencontres, amenés de façon judicieuse et sensible.
Parfois au cours de la lecture, et bien que ce soit très personnel, il m’est arrivé de me sentir irrité par quelques touches régulières de snobisme, telles que par exemple des mentions inutiles de nourriture, ou de courtes descriptions de breuvages, telles que : « ... mortadelle et pesto de pistaches sur focaccia maison , et pour Joséphine, ce sera une variante aux pleurotes et cornichons. » (p. 69-70) « Suzanne, qui touille la salade de roquette et vinaigrette au xérès, comprend toutes ces subtilités. » (p. 70) « Il se délecte des plats légers, boit à grandes lampées son eau infusée à l’hibiscus [...] » (p. 75). En fait, je ne saisis pas très bien l’intention de ce type d’observations, alors que rien ne vient appuyer un arrivisme véritablement bourgeois de la famille ou une démonstration cachée d’isoler les membres de la famille de la communauté. Il n’est pas bien certain que l’ajout de ces observations va participer à la description de l’épanouissement de la sensualité de Joséphine le temps d’un court été. Au contraire, le roman abolit les rancoeurs, fait montre de solidarité, de tendresse et de chaleur humaine, tout en affirmant un bonheur de vivre et d’aller à la découverte ce qui y contribue.
Pages 126-127
[...] musique dans le Sonos portatif (une vieille chanson qui inspire la liberté), boissons pour tous, serviettes déroulées, premier service prêt pour le lunch. Joséphine lui donne un coup de main poli, elle brise la miche de pain en plusieurs morceaux, sort les ustensiles, déballe les fromages parfumés, tranche le gravlax avec un Opinel portatif accroché au porte-clés de Colin. Elle ne sait pas quoi lui dire, des images rapides de sa langue sur elle lui reviennent, elle tente de les chasser, mais elles sont puissantes, tannantes. Elle hésite entre s’exciter davantage et travailler fort pour oublier. C’est mêlant.
Et cette journée de détente défile au gré des envies de chacun. Les heures passent et Joséphine emmagasine des souvenirs qui la berceront longtemps. Rien de compliqué, juste une série de moments simples qui font de l’été la plus belle des saisons. La vie est savoureuse pour toutes sortes de raisons : pour le ciel bleu sans exception, pour l’eau assez fraîche pour faire du bien, pour la sélection musicale de Colin qui fait faire des montagnes russes aux bonnes humeurs de tout le monde, pour cette fraternité qui est belle à voir, pour toutes les petites attentions qu’ont les frères D’Amour pour leur vieille amie perdue de vue. Cette amitié est spéciale, différente certes, mais pas moins précieuse. Ensemble, ils ont encore leur cœur d’enfant, rien n’est grave, tout est possible, chaque minute peut accueillir un nouveau fou rire. Leur vie d’adulte est soudain bien loin devant et, à cet instant, c’est rassurant.