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de Brémond d’Ars, Yvonne

Le Journal d’une antiquaire : Les rapaces

samedi 17 septembre 2016, par webmestre

Paris : Hachette, 1965, 224 p.
Entoilé, avec jaquette

Ce huitième compte-rendu de la série Le journal d’une antiquaire expose des circonstances et une situation dans laquelle un professionnel ou une personne de métier doit parfois exercer ses compétences en tenant compte du caractère des gens qui gravitent autour de l’événement. « Qui donc, sinon moi, pourrait prendre en main la direction de l’opération ? Malgré mon peu de goût en pareil cas pour les initiatives étrangères à mon activité professionnelle, je n’hésite pas : mon devoir est de contribuer à la réparation d’une grande injustice, en retrouvant à tout prix la destinataire du message de Mme Corbin. » (p.166). L’événement ici évoqué est le sort qui est réservé à un patrimoine après le décès de sa propriétaire. Un mari fourbe s’accapare tous les biens légués : faisant le vide autour de lui et souhaitant laisser tous les aspirants à l’héritage dans l’ignorance, il disparaît et il charge madame d’Ars, antiquaire, de liquider les nombreux biens d’une certaine propriété du village où se trouvent justement la famille et tous les héritiers potentiels.

Se trouvant au sein de ce village, madame d’Ars décrit ici les espérances formulées par chacun autour d’un éventuel partage de cet héritage. Chacun — au risque de se présenter sous ses pires travers, et étant tenu dans l’ignorance par les cachotteries de l’héritier manipulateur — déclame ses créances ou ses droits moraux et tente tant bien que mal de réclamer une part des nombreux biens qui ont été transmis au mari.

Le roman est un peu froid, les descriptions de ces « rapaces » se prêtant à recréer cette atmosphère. Cependant, le talent de la romancière permet de colorer l’ensemble d’une certaine humanité. Le ton se réchauffe et devient émouvant dans sa troisième partie, alors qu’un coup de théâtre fera apparaître de façon tout à fait imprévue justice et réparation de torts. Le roman pose également certaines réflexions éthiques, particulièrement sensibles ou importantes, mises en valeur, lorsqu’elles concernent les héritages.

p. 19

C’est la vie qui s’est chargée de réunir au petit-bonheur, avec un laisser-aller des plus sympathiques, toutes ces choses dont la qualité me surprend, car je m’attendais au pire.

p. 73

Le trousseau de clefs de Corbin, certaines sont rouillées avec des bouts de ficelle, me vient le premier sous la main. Sur la courtepointe de satin jaune, ce trousseau ressemble assez à un attirail de cambrioleur.

p. 90

La mariée, ici, est une petite pomme d’api emballée dans du tulle blanc. Jeune et gracieuse, elle minaude en secouant ses fleurs d’oranger comme des grelots. Le mari est sanglé dans un habit qui n’a pas l’air fait pour lui. [...] En voilà un qui ne sera pas commode et qui fera pleurer ces gentils yeux tournés tendrement vers lui. En attendant, il parle avec un jeune homme de son âge, sans s’inquiéter de sa petite épouse.