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Verneaux, Roger

Philosophie de l’homme

samedi 5 juillet 2014, par webmestre

Beauchesne et ses fils : Paris, 1956, 192 p.

Publié dans le cadre d’une collection Cours de philosophie thomiste, ce livre signé « Roger Verneaux - Professeur à l’Institut Catholique de Paris », est en réalité une « étude d’anthropologie métaphysique » : puisque l’auteur précise que l’homme en est le centre, et qu’il adopte un point de vue métaphysique pour élaborer ce qu’il appelle une « science de l’âme ».

La table des matières constitue un programme des plus complets et pertinents selon ses divers chapitres :

  1. La vie
  2. Classification des phénomènes psychiques
  3. Les phénomènes fondamentaux de la vie consciente
  4. La connaissance sensible externe
  5. Les sens internes
  6. L’appétit sensible
  7. L’âme des bêtes
  8. La connaissance intellectuelle
  9. L’objet de l’intelligence
  10. Nature d el’intelligence
  11. La simple appréhension
  12. Le jugement
  13. Le raisonnement
  14. La volonté
  15. La liberté
  16. Facultés et habitus
  17. L’âme humaine

L’auteur adopte un point de vue assez classique, mais fait preuve d’ouverture et il se révèle, dans l’ensemble, comme un humaniste.

Par exemple, en considérant l’existence de l’âme chez les animaux, il s’oppose à Descartes et sa théorie des « animaux-machines » :

Contre descartes, donc, contre Malebranche aussi, et plus largement contre toutes formes de mécanisme, nous soutenons que les animaux ont une âme, un principe de vie immatériel, c’est-à-dire irréductible à la pure matière. La question est résolue d’avance : puisqu’ils vivent, ils ont une âme.

L’auteur en conclut que l’âme est unique en chaque animal, mais qu’elle est immatérielle sans être spirituelle, dépendante du corps et ainsi qu’elle en est « engendrée et corruptible », de même que « multipliable ».

p. 68, toujours à propos de l’âme animale

Ce qui oblige à admettre la spiritualité de l’âme humaine, c’est la présence en l’homme d’actes comme l’abstraction et la réflexion qui ne peuvent être organiques. Or on ne trouve pas trace de tels actes chez l’animal : l’imagination, la mémoire et l’estimative suffisent à rendre compte de leur comportement. On peut prendre pour signe de l’absence de pensée proprement dite le manque de langage, comme le voulait Descartes, à condition de préciser qu’il ne s’agit pas du langage spontané, — car il est certain que les animaux communiquent entre eux au moyen d’un certain langage, — mais d’un langage abstrait, supposant une compréhension du signe comme tel. Ainsi le comportement animal n’offre aucune base pour une preuve de la spiritualité de l’âme. L’admettre serait une hypothèse purement arbitraire.

D’autre part, il y a des raisons de ne pas l’admettre. [...]

p. 69

[L’âme animale est multipliable...] Au moins chez certains animaux inférieurs, comme les vers. Elle l’est moins que l’âme végétale parce qu’elle exige une organisation plus parfaite. Chez les animaux supérieurs, elle ne l’est plus du tout.

L’auteur définit la pensée comme « l’ensemble des phénomènes psychotiques d’intelligence. » Métaphysiquement, la pensée, ou connaissance intellectuelle, doit avoir un objet (l’intelligible), un sujet (l’intelligence) et des actes de connaissance (l’intellection), qui feront l’objet de chapitres particuliers. À mesure qu’il approche de sa conclusion, le livre étudie des formes plus élevées de conscience. Sur la liberté, l’auteur précise que « Le premier travail à faire est de clarifier les idées, c’est-à-dire d’élaborer une notion précise de la liberté. Car la liberté revêt de multiples formes, et l’on peut bien avoir l’une sans avoir l’autre. » (p. 141)

Son chapitre détaille la liberté d’agir, la liberté de vouloir, et les preuves du libre arbitre (la preuve morale dérivée de Kant, la preuve pour le consentement universel dérivée de Saint-Thomas, la preuve psychologique dans la philosophie moderne et les thomistes, la preuve métaphysique), puis il en identifie les limites. Ce ne sont là que des aspects qui précèdent l’étude de l’auteur sur la nature de la liberté. À propos de la preuve métaphysique, l’adoption de l’affirmation que l’homme est libre, la proposition universelle donc, est mise en doute par l’auteur :

pp. 147-148

C’est une idée assez répandue que la liberté ne peut être démontrée parce qu’il y aurait contradiction entre la forme et le fond : démontrer, c’est rendre la conclusion nécessaire, mais déclarer la liberté nécessaire, c’est la nier. La liberté ne peut donc être affirmée que librement.

Cette idée a son origine chez Kant, qui n’admet pas que la raison puisse démontrer la liberté, et qui la pose par un acte de foi. [...]

À notre sens, il y a là un paralogisme, pour ne pas dire un sophisme. On suppose qu’on doit opter entre une liberté absolue et une nécessité également absolue. Si l’homme est libre, pense-t-on, il doit l’être tout entier, dans toutes ses fonctions. Mais cette vue est fausse. Je puis bien être libre sans être totalement libre. En fait, la raison n’est pas libre, mais seulement la volonté. Il n’y a donc rien d’impossible, ni de contradictoire, ni même de choquant à essayer de fonder rationnellement la liberté.

Une telle approche métaphysique, qui démontre notamment que la liberté est possible en tant que résultat de ce que l’homme est doué d’intelligence et de volonté, et qui se base majoritairement peut-être sur l’individualité, la subjectivité et une certaine dose de mystère (la spiritualité), illustre assez clairement le caractère fondamentalement individualiste de l’auteur, et renseigne sur les aspects ouvertement humanistes de son ouvrage et de son enseignement.


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