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Nadeau-Dubois, Gabriel

Tenir tête

mardi 4 février 2014, par webmestre

Lux Éditeur : Montréal, 2013, 224 p. 19,95$

L’écriture est dense. Le ton est clair, affirmatif, voire impératif. Il s’en dégage une pensée objective, teintée d’un désir de justice, avec parfois des élans d’optimisme. L’auteur a le souci constant de redonner ses lettres de noblesse à la démocratie, ou celui par exemple de rétablir le crédit qu’ils méritent à tous ceux qui ont travaillé à faire de ce mouvement étudiant un mouvement fort, un élan vers la justice. Au fil de la lecture, nous sommes conduits à réfléchir sur une vision idéalisée de la société, du moins de ce qu’elle devrait être, alors que, bien au contraire, tous les problèmes qui ont été évoqués et discutés au cours de l’automne, de l’hiver et du printemps, et aux cours de ces centaines d’assemblées d’étudiants et de rassemblements, ne sont pas réglés. Loin de là. Certes, la victoire a été obtenue par les étudiants. Certes, à force d’acharnement et de luttes constantes, la hausse des frais de scolarité a été évitée, et le gouvernement libéral de Jean Charest est enfin tombé. Cependant, la société, malgré tous les solides élans d’une population qui n’a pas été écoutée, n’en a pas été radicalement transformée. Mais c’est justement de ce constat que l’écriture de Nadeau-Dubois prend tout son sens.

Pour Nadeau-Dubois, toute participation individuelle à une organisation, ou à un groupe, permet à chacun d’élever son degré de compréhension politique et son engagement éventuel et graduel envers des valeurs plus significativement démocratiques. Il est donc possible que, sur le plus long terme, la population elle-même ait été transformée par ces manifestations, peu importe le degré d’authenticité de chacun au moment de sa participation ou de son adhésion au groupe. Au contraire des gouvernements de notre temps, qui nous veulent dolices, avec une expression de la démocratie qui s’arrête à un vote aux quatre ans pour un parti ou l’autre qui n’offrent que des options très limitées, Nadeau-Dubois pense que toute participation, même éphémère, à la vie publique enrichit l’expérience sociale, étant susceptible de rehausser le sentiment d’exigence envers cette société. Des rassemblements de citoyens, tels que ceux du printemps 2012, créent des liens et une appartenance à la vie publique qui ne peuvent être que bénéfiques.

Nadeau-Dubois nous faire vivre (ou revivre) les origines de la grève étudiante, puis dans des textes éclairés (à l’occasion — et non sans raison ni légitimité — revanchards) soupèse la portée de différents événements qui ont marqué le printemps québécois, ainsi que le rôle des étudiants, des politiciens, de la police, des juges, des médias, en organisant ces thèmes par chapitres tout aussi généraux. Considérant l’ensemble de ces données et des acteurs en question, on s’étonnera au total que peu de noms soient cités. Cependant, l’auteur souhaite plutôt éclairer les ressorts d’un mouvement social, faisant graviter les principaux acteurs de ce mouvement autour de la revendication étudiante et populaire. D’autre part, il arrive que certains développements tournent à vide, sans que l’on soit toujours assurés de leur nécessité. Ces passages, il faut bien le dire, n’affectent que peu notre intérêt et la réflexion générale qui s’en dégage.

Ce livre ne se présente donc pas comme un récit ou une chronologie narrative des événements. Il s’agit plutôt de réflexions pertinentes, fondées sur une forte et éprouvante expérience, axées sur des thèmes essentiels tels que l’universalité de l’université, le partage de la richesse et le respect du droit du peuple à exprimer sa volonté.

p. 62

À travers les mouvements sociaux, une partie importante de la population s’engage dans la vie politique et exprime ses idées, ce qui n’a rien à voir avec le lobbyisme qui vise à influencer le pouvoir politique pour servir des intérêts strictement privés.

p. 182-183

À moins, bien entendu, qu’on juge normal un cours donné à un seul étudiant... entouré d’une poignée de journalistes et d’une cohorte de policiers ! En réalité les ordonnances d’injonction pelletaient les responsabilités du gouvernement dans la cour des cégeps et des universités, et jetaient au passage de l’huile sur le feu. Pire encore, en occultant délibérément la dimension collective du conflit, conclut Christian Brunelle, les juges ont couru le risque d’affaiblir l’autorité de leurs tribunaux et ont mis en péril la « primauté du droit ».



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