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Nothomb, Amélie

Le sabotage amoureux

mercredi 11 avril 2012, par webmestre

Éditions Albin Michel (1993), Le Livre de poche, Paris, 2001, 128p.

Prêté par Linda, merci !

Petit livre merveilleux. Tout y est évidence... Impossible de relever une citation plus qu’une autre, car à relire ces courts passages qui nous ont foudroyé dès leur lecture, il nous vient à l’esprit — comme une certitude — que ce qui y est écrit va de soi, net et palpable, et qu’il n’y a donc pas lieu de l’écrire, ou plutôt de le réécrire. Paradoxe qui n’enlève absolument rien au plaisir de lire... et de relire.

La difficulté devient encore plus invincible dès lors que l’on constate l’impossibilité de retenir une phrase, comme ça, une phrase seule, la reproduire alors même que la phrase retenue ne pourrait prendre tout son sens qu’en réécrivant la page d’où elle est extraite. Cette page même, il n’y aurait pas lieu de la retranscrire : elle-même extraite d’un contexte, c’est ce dernier qu’il faudrait reproduire. Et ici, n’est-ce pas, on ne parle plus de réécriture, mais plutôt de transcription. Mieux encore, rare est le sentiment d’une littérature qui donne à penser qu’un contexte ne prend tout son sens qu’à l’intérieur d’un contexte plus grand que lui-même. En l’occurrence, dans ce livre, une histoire. Ça pourrait être autre chose. Cette autre chose est également ici une écriture. Une écriture qui se développe du particulier, sensuel et visuel, qui retient l’attention, d’une petite phrase à l’autre (que l’on voudrait réécrire) et qui tisse un univers général. Mais n’est-ce pas aussi l’inverse ? Ne serait-ce pas cet univers qui donne l’occasion à l’écriture de se raffiner dans le particulier ? Bref, malgré qu’il amuse, ce petit livre donne à penser. Relevons tout de même... presqu’au hasard :

p. 23

Mais la vraie beauté doit laisser sur sa faim : elle doit laisser à l’âme une part de son désir.

p. 31-32

C’est pourtant là, au coeur de la Cité des Ventilateurs, que ma décadence a commencé.
Elle a débuté à l’instant où j’ai compris que le centre du monde, ce n’était pas moi.
Elle a débuté à l’instant où j’ai été émerveillée de découvrir qui était le centre du monde.
...
San Li Tun était un endroit si laid qu’il fallait une épopée ininterrompue pour être capable d’y survivre.
J’y survivais à merveille. L’épopée, c’était moi.
Une voiture inconnue s’arrêta devant le bâtiment d’à côté.
De nouveaux arrivants : de nouveaux étrangers à parquer au ghetto, pour qu’ils ne contaminent pas les Chinois.
La voiture contenait de grosses valises et quatre personnes, au nombre desquelles figurait le centre du monde.

p. 39

Ainsi fut accueillie ma première déclaration d’amour.
Je découvrais tout en même temps : éblouissement, amour, altruisme et humiliation.
Cette tétralogie me fut jouée dans l’ordre dès le premier jour. J’en conclus qu’il devait y avoir des liens logiques entre ces quatre accidents. Il eût donc mieux valu éviter le premier, mais il était trop tard.


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