Mon travail dans la nature procède d'une lecture des lieux investis à partir de certains signes subtils qui s'y révèlent. Des gestes posés en interaction avec l'environnement qui contribuent à repousser les limites de l'art et du vivant. Je cherche à tisser entre l'intervention et le paysage, un lien organique qui établit un dialogue préservant l'identité du site investi. Ce travail, un chassé-croisé au niveau des intentions, des mises en situation et de décontextualisation, opère en interaction avec l'environnement par similitudes apparentes, mettant le spectateur dans une situation confondante, à savoir différents niveaux d'impact ou de lecture, dont la miniaturisation, la mise en abyme, l'artifice et le naturel, et la face cachée de la recherche scientifique inhérente au projet. L'intention étant de créer un déplacement du regard chez le visiteur qui le rende témoin et participant de cette rencontre. Une approche dans la nature qui repousse les limites de l'art hors les murs des musées et des galeries.

À la suite d'une longue recherche en laboratoire, d'expérimentations avec les mousses et d'expositions éphémères en galerie et en musée, en complicité avec des chercheurs en botanique, en architecture et en génie, une approche d'intervention dans la nature s'est imposée comme condition incontournable dans la poursuite de mon travail. Ce fut le début d'une articulation de quelque chose qui participe de la nature « intacte » et de l'expression d'une pratique artistique qui traduit un chevauchement des savoirs, entre la sculpture et la botanique, l'installation, le Land art, les Earth works et l'aménagement de paysage.

Mes gestes sont intuitifs, en rapport avec le lieu et les traces du temps, du vivant, du passage des êtres et des signes qui les manifestent. L'ensemble de mon travail procède d'une approche conviviale, engagée, désireuse d'établir un dialogue. L'œuvre étant ouverte, perméable à ceux et celles qui la voient, la côtoient, l'habitent, l'intériorisent.

Mes interventions établissent une relation avec l'histoire du territoire, des lieux et des sites investis, par des gestes en miroir, en écho, en ajouts ou en soustractions sensibles de la matière. Ces interventions se manifestent par une appropriation artistique de parcelles topographiques du terrain, liant la mémoire et le savoir-faire ancestral à la pratique artistique contemporaine sur différents registres d'expressions, de modes et d'écritures plastiques.

Sur ces quinze dernières années d'interventions, chaque geste posé a inscrit une version de la complexité des préoccupations de l'art actuel, de l'éclatement des genres, des propos et des niveaux d'implication, du « je » intime, au « nous » social et politique, l'un et l'autre associés ou dissociés. Une filiation de signes, mise en lumière par un art du geste dans le paysage qui se tisse par petites touches successives d'apprivoisements, d'appropriations et de connivences avec la nature. Cette filiation lie mon travail à d'autres gestes et à d'autres interventions sensibles dans l'histoire, des primitifs aux jardins zen, des jardins de la Renaissance au Land art et aux Earth works, et à certains travaux remarquables dans la nature provenant d'artistes, de jardiniers et d'architectes de paysage contemporains.


© 2008 Francine Larivée